Le vide quantique : un nouveau continent à explorer

Cadre noirUn magnifique cliché du vide
(pris sans flash pour ne pas perturber le sujet !)

Les termes de vide ou d’espace évoquent en chacun de nous un concept que l’on perçoit directement dans la vie de tous les jours. Le sujet n’est pas trivial car il s’agit de ce que l’on nomme une notion « cardinale », c’est à dire qu’elle est fondamentale mais difficilement définissable d’une manière autre qu’intuitive.
La question de la nature du vide fut donc d’abord philosophique avant de devenir scientifique.
Le vide est il une substance qui préexiste à la matière et au mouvement ou en découle t’il relationnellement ?

Comme souvent, la première vision préscientifique du vide fut élaborée en Grèce antique par Démocrite (4e siècle avant JC). Selon ce dernier, l’univers serait constitué de vide dans lequel on trouve des particules élémentaires, les atomes qui agrégés en très grands nombres constituent tout ce qui existe.
Suivant cette vision, l’univers est constitué de deux entités distinctes :
– un contenant : espace ou vide
– un contenu : matière

Si l’existence des atomes fut démontrée plus de 2000 ans plus tard, la question de la nature du vide n’est toujours pas tranchée.

Matière et énergie représentent deux entités équivalentes comme l’a montré la célèbre relation d’Einstein (E = MC2).
D’après la relativité générale (RG), la matière-énergie contenue dans l’univers n’est pas sans effets induits car elle courbe l’espace-temps dans ce dernier.
La RG considère donc l’espace-temps comme étant courbé et dynamique et découlant peut être de la matière-énergie.

La physique quantique, en revanche, considère explicitement l’espace et le temps comme entités préexistantes. De plus, dans cette théorie, l’espace-temps est plat et statique.

Questions sur le vide, contenu et dimensions
Intuitivement, l’image du vide présente à l’esprit est de type géométrique, trois dimensions d’espace dans lesquelles de la matière peut se déplacer en fonction d’une quatrième dimension que l’on nomme le temps (*).
Suivant ce modèle, on pourrait supposer que si l’on retire les particules connues qui constituent les galaxies, planètes, poussières etc., il ne restera alors plus que de l’espace vide de tout. C’est comme cela que l’on imagine par exemple l’espace interplanétaire.
Cette vision fut celle de Newton où l’espace préexiste à la matière.

En réalité, il n’en est rien car le vide tel qu’on l’imagine n’est pas vide du tout.
Il contient en fait une forme d’énergie se présentant sous la forme de champs quantiques fluctuants. Ces derniers ne peuvent avoir une valeur moyenne nulle suite au mystérieux principe d’indétermination d’Heisenberg.

(*) Au même titre que le vide, le temps reste aujourd’hui encore un grand mystère ontologique

L’expérience : effet Casimir
Cette énergie (ou une partie de cette dernière) peut être mise en évidence à travers le célèbre « effet Casimir« . Cet effet est la manifestation d’une énergie du vide prédite en 1948 par le physicien du même nom et démontré par l’expérience en 1997.
Deux plaques conductrices placées très près l’une de l’autre subissent spontanément une force attractive qui peut être mesurée.

Les résultats des mesures indiquent une densité d’énergie égale à environ 10E-20 J/M3 (Joules par mètre cube) [1].

La théorie : calcul de l’énergie du vide
Pour calculer l’énergie du vide en appliquant la théorie quantique, il suffit de diviser le quanta d’énergie minimale par le quanta de volume minimal aux limites de Planck.

La densité d’énergie du vide ainsi obtenue est d’environ 10E112 J/M3.
Ce résultat signifierait qu’un mètre cube de vide contiendrait l’équivalent énergétique de 10E54 galaxies (1 avec 54 zéros) !

On constate donc que le vide pose un grave problème car la différence entre le calcul et les mesures est presque infinie…
C’est ce que l’on appelle la « catastrophe du vide ».

La « catastrophe du vide »
La question est donc de déterminer la valeur réelle de la densité d’énergie du vide.
Si l’on compare la valeur mesurée à travers l’effet Casimir à la valeur calculée par la théorie, on obtient une différence de 120 ordres de grandeurs : soit 1 avec 120 zéros derrière [1].
D’autres composantes de cette énergie du vide restent sans doute à identifier, le champ de Higgs est vraisemblablement l’une d’entre elles.

Le vide pose bien d’autres questions, par exemple si son énergie s’avère réellement très élevée, il semblerait qu’elle ne courbe pas l’espace-temps relativiste car notre univers se serait déjà effondré depuis longtemps.

Le moins que l’on puisse dire est que la théorie ne colle pas avec l’expérience…

Autre propriété du vide
En théorie quantique, la loi de conservation de l’énergie peut être brièvement violée. Le vide peut en effet « prêter » de l’énergie à l’occasion d’une collision de particules à condition que cette énergie soit presque immédiatement rendue.
Sans renter dans des considérations complexes, ce « viol » est autorisé par le principe d’indétermination d’Heisenberg.
Les physiciens considèrent que le vide est rempli de « particules virtuelles » qui se matérialisent brièvement lorsqu’on apporte de l’énergie, par exemple lors de collisions de particules à hautes vitesses.

Mais où sont ces particules virtuelles ?
On se demande donc d’où vient cette énergie prêtée par le vide.
Ne pourrait-elle pas par exemple provenir d’une dimension d’espace supplémentaire où seraient présentes ces fameuses particules, cela aurait l’avantage d’éviter de parler de cette notion vague de particules virtuelles.
Dans cette éventualité, se pose alors la question de l’appartenance de ces particules virtuelles à notre univers. On sait en effet les « pêcher » dans le vide mais elles y retournent très rapidement.

Le vide appartient il à notre univers ?
On peut définir notre univers par l’ensemble des particules connues de matière et d’énergie, soit les fermions et les bosons [2] . A ces dernières il conviendrait sans doute d’ajouter les fameuses matière et énergie noire si elles existent. Ces dernières n’ont jusqu’à présent pas été mises en évidence par les expériences effectuées dans le collisionneur géant du CERN (LHC).

Le vide quantique, étant rempli de quelque chose, pourrait selon cette définition ne pas appartenir à notre univers. Il pourrait par exemple constituer la matière première à partir de laquelle notre univers a été créé il y a 13.5 milliards d’années.
Si ce vide est dimensionnellement plus grand que ce que l’on perçoit, avec au moins une dimension d’espace supplémentaire, alors rien ne s’opposerait à l’existence d’autres univers voisins du notre.
Dit autrement, notre univers à 3 dimensions d’espace pourrait être immergé dans un univers plus vaste possédant au moins 4 dimensions d’espace. Les éventuels univers voisins pourraient également être des univers à 3 dimensions d’espace au maximum, à moins qu’ils ne soient totalement différents de ce que l’on connait.

La quatrième dimension et les NDE
Abordons à ce stade un domaine complètement différent de la physique, mais qui présente cependant une relation inattendue avec cette dernière.
Les expériences de NDE/EMI ou Expériences de Mort Imminente ont quasiment démontré l’existence d’une quatrième dimension d’espace.
En effet, les victimes de NDE ont une perception des objets extérieurs étendue à 4 dimensions d’espace [3].
Cette découverte est de première importance au niveau ontologique.

Un espace-temps à 5 dimensions…qui contiendrait notre univers
Le concept de dimensions spatiales supplémentaires a été visité dès 1919 par Theodor Kaluza qui a tenté d’unifier la gravitation à l’électromagnétisme dans un espace-temps à 5 dimensions (4 d’espace + 1 de temps). Dans cette théorie, la dimension d’espace supplémentaire serait très petite et enroulée sur elle même.

La théorie des supercordes
Cette idée originale fut à la base de la controversée théorie des supercordes.
Cette dernière s’appuie sur un espace-temps ne comprenant pas moins de 6 dimensions supplémentaires, soit un total de 10 dimensions (9 d’espace et une de temps).
Cette théorie pose problème car elle ne serait jamais vérifiable expérimentalement. En effet les énergies nécessaires correspondantes sont hors de notre portée.

Le modèle Randall-Sundrum
D’autres approches plus récentes se basent également sur une 4ième dimension d’espace mais cette fois de taille infinie : modèle Randall-Sundrum. Dans ce modèle, notre univers ne serait qu’une « brane » (*) parmi d’autres immergée dans un espace à 4 dimensions.
Cette théorie fut proposée pour résoudre le fameux « problème de la hiérarchie ».
Ce problème est lié à la gravitation qui est l’une des 4 forces fondamentales répertoriées dans l’univers [2]. Personne ne comprend pourquoi l’intensité de cette force est 10E42 fois plus faible que la plus puissante des 3 autres forces (1 avec 42 zéros), l’interaction électromagnétique.
Les 3 autres forces sont quand à elles situées dans un rapport d’intensité n’excédant pas 10E5 (1 avec 5 zéros).

D’après le modèle Randall-Sundrum, la gravitation serait diluée dans 4 dimensions d’espace (au lieu de 3) dont une que l’on ne perçoit pas.
Cette théorie est compatible avec celle de la relativité générale.
Notre univers serait confiné dans un espace à 3 dimensions et la matière ne pourrait se déplacer que dans ce dernier.
Pour comprendre ce concept, on peut faire l’analogie en 2 dimensions avec un rideau de douche sur lequel les gouttes d’eau glissent sans pouvoir sauter à l’extérieur.

(*) Une brane est l’abréviation de membrane, caractérisant un univers « flottant » dans un univers plus grand.

Cosmologie_branaireNotre univers serait immergé dans un espace plus vaste contenant d’autres univers

Naissance de l’univers
Si le vide quantique contient effectivement une quantité d’énergie monumentale, rien ne s’oppose à ce qu’une partie de cette dernière se soit transformée en matière grâce à la relation d’équivalence d’Einstein (E=MC2).
L’origine de l’univers aurait alors une cause immanente, car le vide serait préexistant à l’apparition de l’univers [4].
Cette option aurait l’avantage d’éviter l’aporie liée à la notion de singularité initiale, même si la question de l’origine du vide ne fait que repousser le problème.

Une autre question concerne la cause ou le mécanisme qui aurait donné naissance à notre univers.
En science, chaque réponse que l’on découvre mène souvent à de nouvelles questions !

Exploiter l’énergie du vide
Enfin, plus prosaïquement, certains rêvent déjà de pouvoir exploiter l’énergie du vide qui serait une source « propre » et illimitée [5], mais tout cela reste très spéculatif.

Ce qu’il faut retenir
L’univers contient 3 sources d’énergie [1] :
– matière
– rayonnement
– vide quantique

Les recherches se poursuivent sur le vide quantique, car comme on le voit, la question est loin d’être résolue.
Il s’agit très probablement du nouveau continent à explorer au XXIe siècle.
De nombreuses voies théoriques sont d’ores et déjà explorées, cependant, aucune ne dégage pour l’instant un consensus significatif.
Pour progresser, le seul juge de paix sera l’expérience.
C’est pour cette raison que la communauté scientifique attend avec impatience début 2015 qui verra le redémarrage du LHC, le collisionneur géant du CERN.

Des découvertes révolutionnaires nous attendent très probablement là dessous !

Article publié sur Agoravox (Une discussion très intéressante à suivre dans les commentaires)

Liens
[1] « Aux Frontières De L’univers – Du Big Bang Au Quark » Marceau Felden – 2005
[2] Histoire de l’univers – Partie 4 : Le Modèle standard de la physique (Sur ce site)
[3] NDE/EMI – Partie 4 : La synthèse (Sur ce site)
[4] « Discours sur l’origine de l’univers » – Etienne Klein – 2010
[5] »L’Energie du Point Zéro » – Marc HERMANS

Tags :
Vide quantique, Branes, Lisa Randall, Énergie du vide, 4ieme dimension, Physique quantique

Une réflexion sur “Le vide quantique : un nouveau continent à explorer

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